Interview de Mme Anne Hiltpold
Lions Club Genève Madame la Conseillère d'État, merci d'avoir accepté notre invitation. Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre expérience humaine en tant que membre du gouvernement cantonal ?
Anne Hiltpold Merci pour votre invitation, je suis ravie d’être ici. On m'a laissé une grande liberté quant aux sujets que je pouvais aborder, et en échangeant avec le Président Claude Membrez, nous avons convenu qu’il serait intéressant de parler de mon parcours, plutôt que de me concentrer uniquement sur les aspects politiques.
Si je reviens en arrière, je terminais mon stage d’avocate au moment de me lancer en politique à Carouge. Mon premier mandat remonte à 1999, et j’ai ensuite évolué du Conseil municipal au Conseil administratif, puis au Conseil d'Etat. Ce qui est particulier dans mon parcours, c’est que j’ai été élue au gouvernement cantonal sans avoir été députée auparavant, ce qui est peu fréquent. Mon élection a résulté d’un enchaînement de circonstances favorables. Si certains éléments avaient été différents, peut-être que je ne me serais pas présentée. Mais la dynamique était là, et j’ai eu la chance d’obtenir un bon résultat. J’ai aussi bénéficié du soutien de figures politiques fortes, ce qui m’a permis d’accéder à cette fonction.
Lions Club Genève Vous avez choisi de prendre en charge le Département de l’instruction publique (DIP). Comment s’est déroulé ce choix et quels ont été les éléments déterminants ?
Anne Hiltpold La répartition des départements au sein du Conseil d’État suit des règles non écrites, selon lesquelles les élus en place ont une certaine priorité. J’ai été très bien élue et j’ai bénéficié de l’élan de campagne de Nathalie Fontanet, ce qui m’a placée dans une position favorable pour "choisir" mon département.
Durant ma campagne, j’ai beaucoup abordé les questions liées à l’éducation, notamment l’horaire continu, la petite enfance ou encore l'école à 3 ans. Ce sont des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur. . J'ai accepté de prendre la direction du DIP, malgré les défis et l’ampleur de la tâche. Aujourd’hui, je ne regrette absolument pas mon choix, même si c’est un défi de taille.
Lions Club Genève Aviez-vous anticipé la difficulté de cette fonction ?
Anne Hiltpold On me pose souvent cette question. Honnêtement, je n’ai pas cherché à imaginer précisément les difficultés avant d’entrer en fonction, car sinon, je ne serais peut-être pas venue ! Mais je savais que ce ne serait pas facile. L’entrée en fonction est très rapide : vous êtes élu fin avril, vous prenez vos fonctions début juin. Cela laisse à peine un mois pour organiser la transition, vider son bureau, préparer la transition politique à l'exécutif communal et se préparer à une nouvelle dynamique. Ce que je n’avais pas anticipé, en revanche, c’est à quel point ce travail allait être passionnant. Malgré les obstacles, c’est un département extrêmement intéressant, car il touche à l’essence même de notre société : l’éducation.
Lions Club Genève Votre arrivée au sein du Conseil d’État a aussi marqué une majorité féminine au sein du gouvernement. Quelle est votre perception de cette évolution ?
Anne Hiltpold Ce n’était pas un sujet central pour moi, car j’ai déjà évolué dans des exécutifs majoritairement féminins, notamment à Carouge. Cela ne m’a donc pas particulièrement frappée. Cependant, je considère que c’est une évolution positive.
Je ne suis pas une féministe militante, mais je me bats pour la place des femmes. Et je pense que ce combat doit aussi être mené auprès des hommes. J’ai un fils et une fille, et je veux surtout que mon fils comprenne qu’une femme peut être absente le soir, ne pas être en charge des repas, avoir des responsabilités importantes. C’est ainsi que l’on fait évoluer les mentalités. Les jeunes filles sont déjà convaincues !
Lions Club Genève L’éducation est un pilier essentiel pour l’avenir de la société. Quelles sont les priorités de votre programme de législature ?
Anne Hiltpold Mon programme de législature repose sur 17 mesures structurantes. Parmi elles, on retrouve la réforme du cycle d’orientation, l’introduction de l’horaire continu à l'école primaire, et une réflexion approfondie sur les filières du secondaire II pour les rendre plus lisibles et accessibles. Une de mes priorités est également de valoriser la formation professionnelle et de développer l’apprentissage, qui est une filière essentielle pour de nombreux jeunes. L’éducation est l’avenir de notre société, et il y a énormément à faire pour garantir que chaque élève trouve sa place et son épanouissement.
Lions Club Genève La mise en œuvre de ces réformes représente un défi de taille. Quel est le principal obstacle que vous rencontrez aujourd’hui ?
Anne Hiltpold Le défi majeur, c’est que l’éducation est un système complexe, un véritable "paquebot" qui ne change pas de direction en un claquement de doigts. Les réformes prennent du temps, il faut convaincre, expliquer, et accompagner les transitions. Le plus grand défi est donc de faire évoluer certaines mentalités et pratiques tout en maintenant la qualité de l’enseignement. C’est un travail de longue haleine, mais nécessaire pour répondre aux besoins actuels et futurs.
Lions Club Genève Avec un budget de 2,5 milliards de francs par an, comment gérez-vous les priorités financières dans un département aussi vaste ?
Anne Hiltpold C’est effectivement un budget conséquent, avec des enveloppes importantes pour l’Université, la HES, et toutes les écoles de la formation obligatoire. La gestion de ces ressources nécessite une planification rigoureuse et des choix stratégiques.
Lions Club Genève Vous avez évoqué l’évolution des filières de formation. Quelle est votre vision pour l’avenir du système éducatif genevois ?
Anne Hiltpold En arrivant, j’ai réalisé à quel point notre système est riche mais parfois peu lisible. Il existe de nombreuses passerelles entre les différentes filières, et nous devons mieux les valoriser pour offrir plus de flexibilité aux élèves.
Nous devons aussi renforcer la collaboration entre l’école et le monde professionnel, notamment pour favoriser les apprentissages et faire connaitre les métiers. L’avenir de l’éducation passe par une meilleure adaptation aux réalités du marché du travail, tout en garantissant un socle solide de connaissances générales.
Lions Club Genève Un dernier mot pour conclure cette interview ?
Anne Hiltpold Mon engagement dans ce département est total. L’éducation est un enjeu fondamental pour l’avenir de notre société, et il y a encore beaucoup à faire pour améliorer notre système. C’est un défi passionnant, et je suis convaincue que nous pouvons faire évoluer l’école genevoise dans la bonne direction.
Interview réalisée par Thierry DIME
